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L'ODYSSEE D'UNE FEMME AMOUREUSE
PROLOGUE
Il faut aussi balayer les Juifs, pour que notre maison soit propre…
Texte d’une affiche antisémite éditée par le régime de Vichy
Paris, 16 juillet 1942…
Depuis quelques jours, une angoisse sournoise m’avait envahie, sans que je puisse expliquer pourquoi. Comme si quelque chose de terrifiant se préparait dans l’ombre. Il n’y avait pourtant aucune raison particulière de m’inquiéter. Pas plus que d’habitude. La vie à Paris sous l’occupation comportait des dangers pour moi. Je le savais et l’acceptais. J’avais fui le régime nazi, et je portais un nom juif, même si celui-ci ne figurait nulle part sur le passeport français que j’avais fait établir pour quitter mon premier mari, resté en Argentine. Mais, avec le temps, je m’étais accoutumée à cette crainte permanente.
Paul m’avait toujours protégée avec vigilance. Près de lui, je me sentais en sécurité. Il veillait sur moi comme je veillais sur lui. Les temps étaient troublés, insensés, violents, sournois. Mais nous étions tous les deux. Et toujours nous avions su faire face. Nous menions une vie calme, loin des fureurs du monde, au cœur d’un pays occupé, hanté par des soldats en armes et des gendarmes français aux ordres d’un gouvernement collaborationniste. Depuis quatre ans. Pourquoi ce 16 juillet 42 y changerait-il quelque chose ?
Je m’appelle Elyane Steiner. Steiner est mon nom de jeune fille. Mon premier mari m’avait donné celui de Rozenberg. J’avais été fière de le porter autrefois. Pourtant, je l’avais abandonné en quittant un mari qui m’avait trompée et bafouée au-delà du supportable.
J’étais arrivée à Paris à l’été 1938. Par amour. La guerre n’était pas encore déclarée. En France, j’avais trouvé à la fois le paradis et l’enfer. Le paradis, parce que j’étais avec Paul. L’enfer, parce que j’avais assisté, impuissante, à l’enchaînement inéluctable des évènements qui avaient conduit au conflit mondial. J’avais suivi avec anxiété l’inexorable montée des périls, puis l’invasion de la France par l’Allemagne, la fuite vers Tours, puis Bordeaux, du gouvernement, les bombardements. La terreur engendrée par les sifflements des obus, m’avait broyé le cœur. J’avais écouté en tremblant, blottie contre Paul, le bourdonnement angoissant des avions, le fracas formidable des explosions dont la prochaine, peut-être, allait nous déchiqueter. J’avais vécu la terrible incertitude d’être encore en vie le matin suivant, sans pouvoir rien faire d’autre qu’attendre, et attendre encore, chaque seconde étant une petite victoire sur la mort, sur l’anéantissement.
Lorsque Paris avait été déclarée ville ouverte, Paul avait refusé de quitter la capitale. Il pensait que nous étions plus en sécurité en restant sur place plutôt que de partir à l’aventure sur les routes, à la merci d’aviateurs assez lâches pour mitrailler des femmes et des enfants sans défense. Il estimait que l’envahisseur n’allait pas massacrer tous les civils. Il ne s’en prenait qu’aux soldats.
Nous avions ainsi évité l’Exode. Les troupes allemandes étaient arrivées, avaient investi un Paris quasi déserté par ses habitants. Ceux qui restaient se terraient chez eux en attendant des jours plus calmes. Ces envahisseurs étaient aussi mes compatriotes. Mais des compatriotes dans lesquels je ne me reconnaissais plus depuis longtemps. Des hommes à l’esprit manipulé par un démon qui avait pris forme humaine et qui avait répandu la terreur dans son pays, déjà ravagé par la guerre précédente. J’avais réussi, pour sauver mon premier mari, à fuir cet enfer. Le destin m’avait ramenée dans une Europe martyrisée, en proie à la violence, à la trahison, à la douleur et à la délation. J’avais compris qu’il était inutile de lutter contre ces forces ténébreuses qui me dépassaient. Aussi, je tâchais de me faire toute petite, de me faire oublier, de patienter en attendant que passe la tempête.
Depuis deux jours, Paul était parti pour Lyon, où se trouvait le siège de sa société. Je n’avais pas voulu lui parler de cette peur incontrôlable qui me dévorait. Il se faisait déjà assez de soucis pour moi. A présent, j’étais seule dans notre douillet appartement de la rue du Bac. Ce quartier de Paris était un endroit tranquille, où il était difficile croire que l’on était plongé au cœur de la guerre. Les commerçants étaient régulièrement approvisionnés, même si les prix avaient parfois tendance à s’envoler en raison du marché noir. Mais on ne manquait de rien.
Paul n’avait pas voulu que je l’accompagne à la gare. C’était plus prudent. Compte tenu de ma situation, il était préférable que je me montre le moins possible. Mes papiers étaient en règle, mais il suffisait d’un officier un peu trop pointilleux pour me créer des ennuis. Je m’étais contentée de lui adresser un signe de la main par la fenêtre.
C’était en le voyant disparaître au coin de la rue de Verneuil que la peur avait surgi d’un coup. Cela avait été comme un coup de poing dans l’estomac, et une intuition qui me hurlait sans raison que je ne le reverrais peut-être jamais. J’avais dû faire un violent effort sur moi-même pour ne pas courir derrière lui et le supplier de m’emmener. Quand je pense à tout ce qui a suivi, je regrette de ne pas l’avoir fait.
Mais j’ai résisté. Cette angoisse était ridicule. Paul ne s’absentait que pour quatre jours, le temps de rencontrer le patron de sa compagnie, une grande soierie lyonnaise. Malgré le conflit, les activités continuaient. Ce n’était pas la première fois qu’il partait ainsi.
Paul n’avait pas été mobilisé trois ans plus tôt, au moment de la déclaration de guerre. D’après les militaires, il était grand et trop maigre. Il en avait conçu une certaine amertume sur le moment, mais il s’était fait une raison. Je n’avais pas songé à m’en plaindre. Tant d’hommes étaient partis, qui n’étaient jamais revenus, même si la Drôle de Guerre et ce qui s’était ensuivi n’avait pas duré très longtemps. Pétain avait signé l’armistice avec Hitler, à peine neuf mois après le début des hostilités. Il faut dire que l’armée française, aussi vaillante fût-elle, n’avait pu opposer une bien grande résistance à un ennemi disposant d’un armement nettement supérieur. « L’Imprenable ligne Maginot » avait été contournée sans difficulté et les troupes n’avaient pu arrêter l’avance des divisions de panzers et encore moins faire face aux nuées de Stukas qui bombardaient les soldats démoralisés et les convois de réfugiés fuyant les zones de combat. L’Exode avait chassé vers l’ouest et le sud une grande partie de la population.
Nous étions restés à Paris. A l’époque, j’avais craint le pire. J’étais allemande, moi aussi, comme l’envahisseur nazi. Sauf que je n’étais pas nazie. Et même si j’avais évité d’inscrire le nom de Rozenberg sur mon passeport établi en Argentine, il eût été facile pour la Gestapo de retrouver mon identité complète en vérifiant mon état civil à Hambourg, ma ville de naissance. Aux yeux de l’occupant, j’étais doublement coupable : j’avais épousé un Juif et j’avais fui le régime hitlérien.
Pourtant, la tourmente de l’invasion était passée et la vie avait repris tant bien que mal. Paris avait survécu. La seule différence était la présence inquiétante des soldats du Reich dans les rues de la capitale. Après plusieurs défilés sur des Champs Elysées déserts, ils s’étaient installés, avaient planté des panneaux indicateurs en allemand au coin des rues, accroché des drapeaux marqués de la croix gammée sur les monuments, puis ils avaient pris d’assaut les cafés, les cinémas, les théâtres et les music-halls. On avait aussi créé des maisons closes destinées au repos des soldats. Quelques-uns d’entre eux avaient même tenté de faire ami-ami avec la population. Avec succès pour certains autochtones, qu’on appelait des collabos.
Pour passer la guerre, Paris était un lieu bien plus tranquille que le front de l’Est, où les soldats tombaient comme des mouches. On n’avait pas trop envie d’y être envoyé. Aussi, les occupants – du moins ceux de la Wehrmacht – prenaient-ils bien soin de ne pas faire trop de vagues. On se contentait d’obéir aux ordres.
L’armistice avait été signé avec le maréchal Pétain, et la France était devenue, sinon une alliée, du moins un état neutre contre lequel on ne se battait plus. Bien sûr, il y avait ceux que l’on appelait les « terroristes », qui posaient des bombes et faisaient dérailler les trains. Mais pour lutter contre eux, on pouvait compter sur la Gestapo, les délateurs de tout poil, les collaborateurs et sur la Légion des Volontaires Français, les « LVF », dont le zèle surpassait même celui des Allemands.
Hormis les bombardements occasionnels des Anglais, une paix relative régnait sur la capitale. Paul parlait peu du conflit. Il patientait, travaillait et courbait la tête en attendant des jours meilleurs. Je devinais bien que, si je n’avais pas été là, il aurait quitté la France pour rejoindre le général de Gaule à Londres. De Gaulle refusant de rendre les armes avait suscité l’admiration de mon Paul. La défaite et la politique collaborationniste de Pétain l’horripilait sans qu’il pût rien y faire. Parfois, il pestait contre la lâcheté des démocraties occidentales qui avaient laissé le Reich se développer.
— Si le gouvernement français n’avait pas été aussi aveugle et aussi lâche, si l’on avait frappé Hitler bien avant, tout aurait été différent. Malheureusement, les Français comme les Anglais s’imaginaient que le plus grand danger viendraient des bolchéviques. On a livré imprudemment du fer et du cuivre aux nazis pour qu’ils puissent s’armer dans le but d’un conflit avec Staline. Mais Hitler a trompé tout le monde. Il a signé un pacte avec lui et s’est retourné contre nous.
Je ne pouvais qu’approuver. Mon père avait autrefois dénoncé cette même cécité. Sans doute les marchands d’armes y avaient-ils trouvé leur compte.
Depuis le début de la guerre, je vivais dans une semi clandestinité. Je m’y étais habituée. Je n’avais jamais été inquiétée, même lors des premières rafles de Juifs de l’année 1941. Paul m’avait rassurée.
— Tu ne risques rien. Tu n’es pas juive.
J’aurais aimé le croire. Je n’étais pas juive, mais mon nom d’épouse l’était. Heureusement, tout cela serait bientôt terminé. Après de nombreuses difficultés, j’avais fini par obtenir le divorce. J’allais devenir madame Paul Mariani. Les bans avaient été publiés cinq jours plus tôt et le mariage était prévu pour le 21 juillet. Lorsqu’il serait prononcé, je serais définitivement à l’abri. J’aurais la nationalité française.
Il ne restait que cinq jours. Cinq petits jours à patienter.
Depuis trois ans, il ne s’était rien passé. Pourquoi cela aurait-il changé maintenant ?
On me savait étrangère. Paul et moi parlions espagnol entre nous. Les commerçants me croyaient originaire d’Amérique du Sud. Je ne faisais rien pour les détromper, d’autant plus que j’étais arrivée en France en provenance d’Argentine. J’évitais de préciser que je n’y étais restée que quelques mois. Avec eux, je baragouinais avec un accent improbable un sabir de français auquel se mêlaient de nombreux vocables ibériques. Cela amusait mes interlocuteurs, qui me reprenaient avec patience et gentillesse pour m’enseigner les mots français. Je ne voyais pas pourquoi j’aurais dû me méfier d’eux. Qui aurait pu vouloir me créer des ennuis ? Dans ce quartier, j’étais en sécurité.
Bien sûr, la famille de Paul ne m’avait jamais acceptée. Il était né dans le milieu de la haute bourgeoisie lyonnaise. Ses parents n’avaient jamais admis qu’il fasse sa vie avec une étrangère, allemande de surcroît. A leurs yeux, j’étais une femme de mauvaise vie. Je fumais, je parlais quatre langues apprises on ne sait où. Je savais à peine faire la cuisine. Comble d’ignominie, j’étais en plein divorce, et mon premier mari était juif ! On me tolérait parce que Paul n’avait jamais plié devant les récriminations et les menaces de ses parents. Pas plus qu’il n’avait cédé aux avances pressantes d’une cousine qui avait jeté son dévolu sur lui depuis longtemps. Je savais qu’elle ne désespérait pas de le voir un jour se détourner de son « étrangère ». Mais elle vivait à Lyon et nous à Paris. Que pouvait-elle faire contre moi ?
Midi venait de sonner. Je me résolus à descendre faire quelques courses. Arrivée dans la rue, tout me sembla soudain bizarre. Il se passait quelque chose d’anormal. Il y avait toujours du bruit dans la ville, une rumeur à laquelle on ne prêtait plus attention. Aujourd’hui, c’était différent. Des coups de sifflet retentissaient au loin, en direction des quais, et aussi du boulevard St Germain. Je perçus soudain des cris de terreur. Ils paraissent provenir de partout à la fois. Je jetais un regard affolé à l’épicière.
— Qu’est ce qui se passe ?
Elle se rapprocha de moi et répondit, sur le ton de la confidence :
— Vous n’êtes pas au courant ? Depuis ce matin, ils arrêtent les Juifs.
Je pâlis.
— Les Juifs ?
— Tous les porteurs de l’étoile jaune. Ca a commencé dans la nuit. Il paraît qu’on veut les emmener dans des camps de travail.
Mais elle ajouta à voix basse :
— J’y crois pas trop. Ils emmènent aussi les enfants. Vous croyez qu’ils vont les faire travailler, les petiots ?
— Non, bien sûr.
Mes jambes me portaient à peine. Tout cela me rappelait d’autres images, d’autres horreurs, vécues là-bas, en Allemagne. Je savais à présent pourquoi j’avais peur. Je me hâtai de terminer mes achats et je regagnai mon appartement. C’était ridicule. Il n’y avait aucune raison que l’on s’en prît à moi. Je ne portais pas l’étoile jaune, puisque je n’étais pas juive. Je ne courais donc aucun danger.
Aucun danger… A la vérité, je n’étais sûre de rien. J’aurais tellement aimé que Paul fût là, pour me rassurer.
Il ne fallait pas que je tombe entre les mains des nazis. Ils considéraient que ceux qui épousaient des Juifs étaient des traîtres à leur race – la race aryenne –, et qu’ils méritaient les pires châtiments. Les lois de Nuremberg, promulguées en 1935, interdisaient les mariages mixtes. Bien sûr, j’avais épousé Eran avant cette date, et mon mariage ne pouvait pas être annulé à l’époque. Mais combien de fois m’étais-je heurtée à la violence des jeunesses hitlériennes ? C’était à cause d’elles que j’étais partie. J’avais peur, pour Eran, pour moi, pour mes parents.
A présent, les Nazis étaient en France. Hitler avait juré d’exterminer les Juifs. Cet homme était fou. Mais un fou intelligent et déterminé, servi par des cohortes d’extrémistes exaltés et ivres de pouvoir. Qu’avaient fait ces brutes du peuple de Beethoven, de Mozart, de Goethe et de tant d’autres ? Leurs lumières avaient rayonné sur le monde. L’Allemagne était si belle avant l’arrivée de ces sauvages. Comment expliquer cet effondrement, cette plongée au cœur de la barbarie ? La faim et la misère étaient probablement responsables de beaucoup de choses. Elles avaient reporté le peuple vers les extrémistes, vers les nazis. Le Führer s’était imposé par la terreur. Et personne n’avait pu se dresser contre lui. Ceux qui avaient eu le courage de le faire l’avaient payé de leur vie.
Je regardai par la fenêtre, n’osant même pas ouvrir le rideau de peur de… Mais peur de quoi ? J’étais en sécurité.
En bas, un autobus bizarre passa, chargé de gens entassés. Il y avait des policiers dans la rue du Bac. Mon angoisse atteignit son paroxysme. Je pouvais à peine respirer.
Tout à coup, des pas se firent entendre dans l’escalier. Des coups violents retentirent à la porte. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. J’allais ouvrir, les jambes flageolantes. Deux policiers se tenaient devant moi, le regard dur.
L’un d’eux porta la main à son képi et demanda :
— Vous êtes bien Madame Elyane Rozenberg, née Steiner ?
— C’est moi, monsieur.
— Nous allons vous demander de nous suivre.
— Moi, mais pourquoi ?
— Nous n’avons pas à vous fournir de réponse, Madame, répondit-il sèchement. Vous avez le droit de prendre quelques vêtements et deux paires de chaussures, ainsi que de la nourriture pour deux jours. Dépêchez-vous !
Un grand froid m’envahit. Ce n’était pas possible. Il devait y avoir une erreur.
— Ecoutez, monsieur, je dois me marier dans cinq jours. Avec un Français, monsieur Paul Mariani…
Il balaya mes objections d’un geste agacé.
— Ca ne change rien. Je vous ai dit de vous dépêcher, madame.
Il ne servait à rien de discuter. J’eus soudain l’impression que le monde s’écroulait autour de moi. J’étais peut-être en train de faire un cauchemar. Ce n’était pas à moi que cela arrive. Je n’avais rien fait de mal…
Comme un automate, je jetai quelques affaires dans un sac. Puis je voulus griffonner un petit mot à l’intention de Paul, pour lui expliquer. Mais lui expliquer quoi ? J’ignorais où l’on me conduisait puisqu’ils ne voulaient rien me dire. D’ailleurs, savaient-ils eux-mêmes ce qui se passait ? Ils ne faisaient qu’obéir aux ordres.
Ils ne me laissèrent pas le temps d’écrire et m’entraînèrent brutalement à l’extérieur.
Quelques instants plus tard, j’étais dans la rue, encadrée par les deux policiers. Ils m’emmenèrent jusqu’au boulevard St Germain, où je dus embarquer dans un autobus gris. Il était déjà bondé de gens portant l’étoile jaune. Il y avait là des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, dont certains transportaient des valises, des baluchons. Tous avaient les mêmes yeux fiévreux et résignés. Une foule de badauds entourait l’autobus. Parmi les spectateurs, certains s’esclaffaient. Des bribes de réflexion me frappèrent comme des cailloux acérés :
— Sale engeance… voleurs… on va enfin être débarrassé de ces pouilleux…
Mais pourquoi réagissaient-ils ainsi ? C’étaient leurs voisins qu’on emportait, des gens qu’ils avaient côtoyés, avec qui ils avaient partagé des souvenirs, des épreuves. De bons moments aussi.
La plupart cependant demeuraient silencieux. Ils n’avaient pas l’air d’apprécier ce qui se passait. Mais que pouvaient-ils faire contre les armes des policiers ? Je captai çà et là des regards de compassion. Ils étaient beaucoup plus nombreux que les cris de haine.
Soudain, l’autobus s’ébranla. Autour de moi, les prisonniers s’interrogeaient. Des rumeurs contradictoires circulaient. Certains pensaient qu’on les emmenait vers des camps de travail. Ils tentaient de s’en persuader, mais beaucoup se doutaient qu’il s’agissait de bien autre chose. Quelque chose d’abominable.
Je ne pouvais pas les détromper. Je savais ce qui s’était passé en Allemagne avant même que la guerre ne soit déclarée. Mais je ne me doutais pas que ce serait encore pire que tout ce que j’aurais pu imaginer…